Article mis à jour le 24 mai 2016 par La rédaction
Diplômée du master marketing et stratégie de l’université Paris Dauphine, Aminata Dembele, 25 ans, a rejoint Change.org en septembre 2015. D’origine malienne, Aminata est de celle qui fonce droit au but, sans jamais se laisser abattre. Entretien avec une jeune femme tout sourire.
Racontez-nous votre parcours…
J’ai commencé mes études à la Sorbonne Nouvelle à Paris en communication et lettres modernes. Lors de ma troisième année, j’ai fait une année d’échanges au Québec où j’ai été diplômée d’un certificat en sciences humaines et sociales à l’université de Sherbrooke. J’ai découvert le covoiturage, le couchsurfing, Airbnb. Cette économie d’échange m’a beaucoup intéressé, j’ai fait un premier stage dans la consommation collaborative puis j’ai réalisé mon mémoire sur ce sujet. Arrivée en Master 1 à la Sorbonne Nouvelle en communication, j’ai fait le choix d’une année de césure en Inde. Je voulais connaître une expérience professionnelle dans le développement social et la solidarité. J’ai vécu à Pondichéry dans le sud de l’Inde. Je travaillais pour un centre environnemental qui offrait des formations d’éducation à l’environnement, la biodiversité marine. J’étais coordinatrice en recherche de fonds. Je m’occupais aussi d’accueillir les différentes ONG qui venaient effectuer des formations. Ensuite j’ai déménagé à Bombay, six mois durant lesquels j’ai travaillé pour une grande campagne pendant les élections indiennes de 2014 pour l’ONG Child Rights and You qui s’occupait des droits de l’enfant et de l’éducation. Puis j’ai effectué ma dernière année de master à Paris Dauphine en communication et marketing. J’étais en apprentissage en tant que chef de projet web dans un grand groupe français.
Comment avez-vous atterri chez Change.org ?
J’avais un cours de marketing durable à Paris Dauphine et Benjamin Des Gachons, directeur France de Change.org, est intervenu pendant ce cours pour présenter le modèle de Change et ses objectifs. Cela m’a beaucoup fasciné. J’étais au premier rang. Il a annoncé à la fin de son intervention qu’il recherchait une chargée de campagnes. J’ai postulé. Le processus de recrutement a duré quelques mois. Puis j’ai été choisi pour commencer fin septembre 2015.
Qu’est-ce qui vous a séduit chez cette entreprise ?
Le fait que ce soit une entreprise sociale. J’aimais bien cet aspect « benefit corporation ». C’est une entreprise qui se soucie de l’impact environnemental de son activité. Une plateforme neutre qui donne à chaque citoyen la possibilité de s’exprimer, de tout âge, de toute zone géographique. Tout le monde peut accéder à Change.org et créer le changement qu’il souhaite voir. Lorsque j’étais en Inde, je tenais un blog avec la tagline « be the change you want to see in the world », c’est Gandhi qui l’a dit. Quand je suis arrivé à Change, c’est ce que j’ai vu. Je me suis senti tout de suite très proche de cette entreprise, car ça rejoignait ma vision de la vie. Le fait que si tu es un individu et que tu souhaites agir, alors Change est un outil qui te le permet. Après l’Inde, j’ai vraiment envie que mon métier reflète mes inspirations personnelles. Change est une entreprise où l’on peut vivre de sa passion. L’idée de pouvoir aider les autres, créer des mobilisations, sensibiliser des politiques, des entreprises. Cela m’a toujours fasciné dans ma vie de tous les jours. Et le faire dans mon métier, c’est parfait.
En effet, décrivez-nous votre job. Quelles sont vos missions ?
En tant que chargée de campagnes, je vais accompagner les personnes qui lancent des pétitions sur Change. Je vais leur fournir des conseils dont ils ont besoin pour mener leurs campagnes et atteindre une victoire. Je vais leur fournir des conseils au niveau du texte, de la cible, de l’utilisation des réseaux sociaux, car parfois les gens identifient mal leur cible. Si ils ont une pétition, ils vont peut- être s’adresser à François Hollande mais il ne va pas forcément être leur meilleur cible. Nous sommes là en tant que conseiller, pour relayer les pétitions et les faire découvrir à nos utilisateurs.
Avez-vous déjà ressenti une certaine fierté d’avoir collaboré à une pétition en particulier ?
J’ai beaucoup de coups de coeur. Je suis très curieuse. Je n’ai pas une cause qui me tient plus à coeur. Récemment, on a organisé une grosse journée autour de la journée des droits des femmes. Binta Diallo a lancé sa pétition. Elle demande un plan national de sensibilisation sur l’excision dans les écoles. Son histoire est touchante. Les pétitions lancées par les jeunes, c’est très intéressant qu’ils se mobilisent, qu’ils se sentent légitimes pour le faire. Binta est un exemple de jeune fille qui est engagée dans une cause et qui veut vraiment se faire entendre. Sa pétition a atteint plus de 85 000 signatures en une semaine. Elle l’a partagée sur différents groupes. Elle souhaite briser ce tabou et que tout le monde en parle en France. Il y a encore aujourd’hui des filles à risque. Il y a 50 000 femmes excisés en France, ce n’est pas rien.
Parmi les dernières pétitions, celle contre l’avant-projet de loi El Khomri sur la réforme du droit du travail a dépassé le cap du million de signatures… Quelles sont les répercussions pour Change.org ?
Des répercussions positives. Il y a quand même une mobilisation qui a été lancée au niveau national. Ils font vivre la communauté, plusieurs actions « social media » ont été lancées. Des manifestations ont lieu un peu partout en France. C’est un cas d’école qui montre qu’à travers une pétition, on peut vraiment monter un mouvement citoyen. La ministre du Travail a répondu sur la plateforme aux signataires, ce qui a permis de créer un dialogue.
Vous êtes chez Change.org depuis moins d’un an. Quels sont vos projets à court terme ?
Ce qui me tient à coeur, c’est vraiment de communiquer le message que tout le monde peut lancer une pétition. Il est important de savoir qu’il y a aussi des pétitions locales qui existent. Tout le monde peut s’exprimer, ce n’est pas forcément réservé au national. Une pétition peut avoir une répercussion dans une ville en s’adressant à son maire, c’est plus efficace.
A l’heure où les inégalités persistent, avez-vous déjà subi des formes de discrimination liées à votre couleur de peau et/ou votre sexe ?
Tout va bien de mon côté. J’ai la chance d’évoluer dans une entreprise où il n’y a aucune discrimination sur le genre, la religion, l’origine. Dans mon quotidien ou à mon travail, je ne ressens pas du tout de discriminations. Après, au niveau national, il existe toujours des inégalités de genre. On se rend compte que les femmes ont un salaire moins élevé que les hommes. Beaucoup de campagnes ont dénoncé les discriminations par rapport au cv et aux noms. Il y a du chemin à faire. Mais, personnellement, dans mon parcours scolaire, je ne me suis jamais mis de barrière. Je ne sais pas si c’est parce que je suis femme et noire que je me suis dit qu’il fallait que je fasse plus que les autres. Je me suis toujours donné comme objectifs d’aller jusqu’au bout de mes projets, toujours plus, toujours mieux.
Pensez-vous que Change.org est un modèle de modernité dans le monde du travail ?
On met l’innovation à l’honneur. Il y a un système d’organisation qui diffère. Chez Change, on prend vraiment en compte la parole du salarié sans faire de distinction. C’est une chance. On fait régulièrement des réunions avec nos managers chaque semaine. C’est une force. On a la possibilité de parler.
A seulement 25 ans, vous possédez déjà une solide expérience. Quel message souhaitez-vous faire passer à celles et ceux qui cherchent leurs voies ?
Je me dis toujours : ce qui ne te tue pas te rend plus fort. J’ai eu des épreuves comme tout le monde. Le fait de commencer par un parcours universitaire ne m’a pas permis d’avoir des expériences professionnelles. J’ai du coup cherché mes propres expériences. Cela demande beaucoup d’autonomie et d’indépendance. Les jeunes doivent prendre des initiatives, ne pas attendre du gouvernement, se rassembler entre eux, créer leur propre mouvement et ne pas attendre que ça vienne d’en haut car ils attendront bien longtemps. Je suis issu sociologiquement de la génération Y. Nous avons des outils pour nous exprimer avec les forums, les blogs, les réseaux sociaux. Facebook a montré que c’était un outil pour s’exprimer pendant le printemps arabe notamment. Nous avons des outils qui nous permettent de nous émanciper. Il faut profiter de ces outils gratuits et accessibles à tous pour s’élever dans la société.
Propos recueillis par Florian Dacheux
Site Web : http://www.change.org/