Flavia Coelho : « Dire qu’il n’y a plus de racisme est un grand mensonge »

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Installée depuis 10 ans à Paris, Flavia Coelho a présenté ce week-end sa bossa muffin au public du Festival Solidays. Entretien avec une artiste qui fait vibrer sa vie entre deux pays : la France et le Brésil.

Article mis à jour le 7 mai 2020 par La rédaction

flavia coelho solidays (1 sur 1)Installée depuis 10 ans à Paris, Flavia Coelho a présenté ce week-end sa bossa muffin au public du Festival Solidays. Entretien avec une artiste qui fait vibrer sa vie entre deux pays : la France et le Brésil.


Que pensez-vous de Paris et de la France ?

Je suis la depuis dix ans, le jour de la fête de la musique. Je vis sur Paris. Il y a beaucoup de choses qui ont changé dans le cadre politique et social, mais aussi culturel. Quand je suis arrivée il y a dix ans, j’ai l’impression qu’on avait plus d’espaces pour la musique, surtout pour la musique vivante. Dans les rues, le métro. Aujourd’hui, c’est un peu plus compliqué. Il y a eu quelques lois pour que ça s’arrête un peu plus tôt. Avant, Paris, c’était vraiment la nuit. Mais cela reste une ville très vivante, il y a encore des spectacles un peu partout, c’est la chose qui m’a le plus plu quand je suis venue pour la première fois en 2002 pour un concert. J’avais vu des artistes du monde entier. Cela m’a tellement enchanté que je me suis dit que si un jour je fais un album, je reviendrai dans cette ville, et c’est ce que j’ai fait.

La France et le Brésil se ressemblent un peu par leur métissage culturel et certaines inégalités…

Au Brésil, nous avons aussi beaucoup de racisme social. Ce n’est pas nouveau. Ce qui est dommage, c’est que l’on pense beaucoup Brésil. On mange Brésil, on dort Brésil. On n’a pas trop la conscience de nos ancêtres, de nos origines. On se dit que nous sommes tous des Brésiliens et c’est bien. Mais quand même nous avons ce racisme social. Ici, en France, j’ai l’impression que les gens sont beaucoup plus éclairés. Ils connaissent, ils savent leur origines. Et quand même il y a ce racisme. Le racisme est un problème mondial, c’est quelque chose qui est dans la tête de l’homme. Le travail qui doit être fait est d’essayer de changer les idées un maximum. Avant de créer des lois, changeons les idées des gens.

Que racontez-vous dans vos chansons ?

Je parle un peu de tout. Je suis une femme de 35 ans. Je parle de tout ce qui se passe autour de moi, au niveau de ma société. Je parle du Brésil , beaucoup évidemment. Finalement on a tous la même histoire. Dans le premier monde, il y a aussi des problèmes de chômage, de pauvreté, comme au Brésil. Il y a des gens qui ont des peines de coeur, des gens qui dépriment, d’autres qui vivent de beaux moments. En tout cas dans mes paroles, même si parfois les textes sont très durs, j’essaie toujours de montrer la lumière à la fin du tunnel, et de dire que les solutions passent par nous-mêmes. Comme ce Festival Solidays qui est là pour faire soulever le peuple sur leurs revendications.

Votre musique est très métissée. Bossa, reggae, ragga, hip hop, funk, rock… Pourquoi ?

C’est lié aux 30 dernières années, avec l’arrivée de l’internet. Au Brésil, il y avait une dictature qui est tombée en 1986, on écoutait que de la musique du pays. Et d’un coup on a pu tout écouter, tout faire, puis internet est arrivé. J’aime beaucoup le métissage. Moi-même je suis issue du métissage. Je me considère comme une citoyenne du monde, j’aime le fait de pouvoir aller partout.

Votre maman était maquilleuse et coiffeuse dans le milieu du spectacle. D’où vous vient votre envie de faire de la scène ?

C’est une volonté qui est venue toute seule. J’avais surtout envie de bouger. Il fallait que je trouve un métier qui me donne la possibilité de bouger. J’avais envie de chanter. A l’age de 14 ans, j’ai fait un casting. J’ai appris le métier comme ça, sur le tas. Je n’ai plus jamais arrêté.

Vous avez récemment collaboré avec Patrice et Tonny Allen. Comment vous êtes-vous rencontrés ?

Patrice, c’est un feeling musical. Un grand artiste que j’admire depuis toujours. J’ai la chance de le côtoyer, c’est quelqu’un qui aime beaucoup les artistes, qui m’invitait souvent dans ses concerts pour chanter. C’est presque un parrain pour moi. Je l’aime beaucoup et le respecte énormément. Avec Tonny, on s’est rencontré dans les concerts. Il a commencé à chanter dans les studios de mon producteur. Un jour j’ai fait un afrobeat, mon producteur lui a monté et il a trouvé ça super bien. Je n’ai pas peur d’aller voir les gens que j’aime. Dans mon album, il y aussi des gens moins connus du grand public, comme mon ami Sénégalais Wôz Kaly qui a une voix incroyable. J’aime les artistes.

Quel est votre actualité ?

Je viens de sortir un single, de mon album qui sort le 7 octobre prochain. Je suis très excitée par tout cela. Je vais continuer à prendre la route, prendre du plaisir et rencontrer des gens et des musiciens.

Retournez-vous souvent au Brésil ?

Non je ne reviens pas souvent. J’ai beaucoup de dates ici en Europe. Mais j’ai hâte d’y aller.

Pour conclure, pensez-vous que les noirs subissent encore des discriminations et si oui pourquoi ?

Evidemment. Je viens d’un pays qui a été l’un des derniers à mettre fin à l’esclavage. Je vis encore ça de très près. Au Brésil, nous avons plusieurs couleurs de noirs. Les gens nous partagent par différentes couleurs. Je revendique mon sang noir, mon métissage, et j’essaie de le mettre dans ma musique. Fermer les yeux au racisme, c’est être le pire des abrutis. Ne pas le reconnaître, ça s’appelle du négationnisme. Je ne fais pas partie du tout de ce clan là. Dire qu’il n’y a plus de racisme aujourd’hui, c’est un grand mensonge. Ouvrons un peu les mentalités. L’Afrique est le berceau du monde. J’espère que les gens seront conscients de ça au plus vite, sans qu’il y ait de gros dégâts.

 Propos recueillis par Florian Dacheux