Article mis à jour le 1 mai 2021 par La rédaction
Bien plus encore que de sublimer la femme, la styliste Anicée Martin l’illumine au travers de ses créations aux couleurs toniques et vivifiantes pour en faire la Femme Arc-en-Ciel, une femme rayonnante et fascinante. Batik, Java et Wax, entre les doigts de la créatrice, deviennent de véritables parures pour irradier tous les atouts féminins. Ses créations nous font vibrer par le style Color Block et les coupes tendances!
Nul doute que Anicée Martin détient une parfaite connaissance des codes de la séduction et de la Femme Caribéenne dans toute sa Force et sa Sensualité! Douceur et énergie émanent de cette jeune femme, une Passionate Woman, qui sait ce qu’elle veut et qui en veut!
Etre une femme Ochun Fashion Design, c’est sortir de sa chrysalide, se révéler, s’épanouir, plaire et se plaire, séduire et se séduire, être tout à tour sensuelle, glamour, chic! Pour BILOA magazine, Anicée Martin dévoile toutes les faces magiques de son temple et nous présente quelques-unes de ses créations à couper le souffle!
Comment te définis-tu en tant que femme?
Je suis une femme déterminée, insatiable et celle, qui n’a pas choisi. Ce que je trouve le plus compliqué aujourd’hui en tant que femme, c’est que l’on interdise encore aux femmes de pouvoir tout être. On nous demande de choisir. Je ne veux pas avoir à choisir. Je veux être tout à la fois même si cela nous est encore interdit. Je veux que l’on m’autorise ce droit. Toutes les femmes ont le droit de tout être à la fois.
Parle-moi de tes lignes de vêtements.
J’en ai trois: une très ethnique, une seconde plus « Casual » en jersey de coton, plus agréable et facile à porter pour tous les jours et la dernière, la ligne Croisière tout en voilage, la plus habillée, la plus femme dans tout ce qui la définit, plus sexy et plus colorée.
D’où est venu le déclic d’entrer dans le monde de la mode et d’ouvrir ta boutique?
Je n’ai pas choisi mon métier. Mon métier m’a choisi. Je devais avoir 8 ans, quand je l’ai décidé. J’aimais dessiner, coudre, la technicité du vêtement, tout cela donnait le métier de créatrice. Je ne me suis pas posée de questions et je me suis entêtée dans cette voie, sans chercher quoique soit d’autre. L’idée ne m’est pas venue, elle s’est imposée très tôt. Plus qu’un déclic, c’était une évidence.
Pourquoi une boutique? Il m’arrive tout le temps, des accidents heureux. Je ne pouvais plus rester à Paris et j’ai décidé de rentrer en Guadeloupe, mon pays natal auquel je suis très attachée. Le seul moyen d’y exercer mon métier, était de gérer la totalité de la création, du concept, de la production à la distribution. Les métiers de création et le métier du vêtement est un métier laborieux, d’acharnement, de répétition, de questionnements incessants. Mais je ne crois pas aux choses faciles. Les choix, les décisions sont faciles mais les réaliser, devient plus compliqué.
Es-tu du style à créer tes propres opportunités ou à attendre qu’elles arrivent?
Je ne crois pas que les opportunités arrivent. Je crois que l’on crée les opportunités, qu’on le veuille ou non. L’opportunité est le fruit d’un travail fait sur des mois, des années de travail, qui tombe à un moment. Je ne crois pas à la gratuité des choses en fait. Je pense que tout arrive parce que l’on a fait un travail avant.
Pourquoi avoir choisi le nom d’Oshun, la déesse de la beauté, la sensualité et l’amour?
Oshun représente toutes les femmes. Comme elle est la déesse de la beauté, de la féminité, de la maternité et de la sexualité. Elle est le pire et le meilleur de ce que la femme est capable. Elle est la plus douce comme elle est la plus affriolante. Je ne voulais pas créer une gamme qui soit figée dans quelque chose. C’est le nom qui définit le mieux MA conception de la femme. Le matin, par exemple, on va avoir envie d’être très confort, cela n’empêche pas que l’on est envie d’être femme fatale à une autre heure de la journée, de la semaine, un autre moment de sa vie…
Comment définis-tu le style de ta collection?
Un style libre! Je n’essaie pas d’imposer un style vestimentaire aux femmes. J’ai trouvé qu’il y avait vraiment un déficit de choix de ce qu’une femme pouvait porter. Comment être sexy sans porter quelque chose de contraignant, trop serré, trop strict? Ma gamme est légère. Réussir à être une « Working Girl » ou une femme fatale d’une manière fun et légère sans dogme précis. Etre libre de ressembler à ce que l’on veut, hors des diktats très forts dans la mode féminine. Le rose, le coloré, le léger, le motif tapageur, peuvent être professionnels, et le sexy peut ne pas être contraignant sans être court ou indécent.
Quand on regarde ta ligne de vêtements, on s’aperçoit que tu utilises beaucoup de couleurs qui claquent, tendance color block. Dis-m’en plus à ce sujet.
Ce qui me définit est la couleur. Ma vie parisienne était très riche mais manquait de couleur. La colorimétrie est très importante pour moi. La vie manque de couleur et les femmes en manquent cruellement. Beaucoup de femmes cherchent à se cacher. Elles cachent ce qu’elles veulent réellement. Même si on a un standard et un classique, qui n’a rien de particulier, il suffit d’y mettre de la couleur pour tout d’un coup exister. Est-ce l’on ne traverse pas l’existence dans le but d’être remarquée, par son travail, par sa beauté…
Tu travailles trois tissus en particulier, le Wax, le Batik et le Java. Pour quelle raison, ce choix de tissus?
Je travaille beaucoup plus le Batik et le Java que le Wax. C’étaient des tissus, quand j’ai commencé il y a 15 ans, complètement abandonnés. Le Java et le Wax au côté très traditionnel et ancestral racontent une histoire ont des motifs très colorés, qui me correspondaient bien et qui racontaient une histoire sur du tissu. Je voulais qu’on puisse porter des motifs très colorés, pas forcément occidentaux tout en étant très chic. Je voulais retirer l’idée qu’utiliser ces tissus, voulait dire que l’on était en boubou. Une manière de donner une autre dimension à quelque chose de folklorique. J’ai toujours besoin de montrer que les choses peuvent être différentes. J’aime qu’il y ait une interprétation différente des choses.
Qui est la femme OCHUN FASHION DESIGN?
Il y en 2. La femme d’une trentaine d’années, qui travaille et qui sait déjà qui elle est, ce qu’elle veut et pourquoi et qui se décide à l’assumer. Elle veut mettre des notes de couleur et de gaîté dans ce qui est assez strict. La seconde est celle, qui a une idée de ce qu’elle est et ce qu’elle veut et qui vient me voir pour le devenir.
J’ai entendu dire que ta fille a été déterminante dans ta carrière. De quelle façon a-t-elle apporté un changement dans ta vie?
Il n’y a pas de mère. Les enfants vous font devenir mère. Ma fille m’a fait devenir mère en rajoutant une personnalité supplémentaire à ce que j’étais. Désormais j’ai deux enfants et j’ai le sentiment que les enfants vous donnent une force et un courage, que même les plus courageux ne connaissent pas. J’étais obligée de réussir tout ce que j’entreprenais, pas pour moi, mais pour elle. Abandonner, baisser les bras n’est plus possible. Le doute est autorisé mais d’une manière très construite, une fois que l’on devient mère. Ma fille m’a fait savoir que tout est possible. Je fais partie de ces femmes qui détestent la grossesse, l’accouchement. Etre capable de vivre une grossesse et un accouchement, à partir de là, tout était possible pour moi! A côté de cela, tout est vide de sens, a très peu d’intérêt.
Tu as, paraît-il, un grenier entier de magazines de mode. Où puises-tu toute ton inspiration?
Je m’intéresse à tout et à n’importe quoi. J’ai une nécessité d’apprendre, qui est énorme. J’ai une intimité avec la contemplation et l’oisiveté. Le processus créatif chez moi est d’ingérer énormément: la lecture, le voyage, les couleurs, la photo, le cinéma, les relations avec les autres. C’est du visuel, des sensations. A partir de ce moment-là, je sais que la collection sera la forme, la légèreté avec les codes d’OCHUN.
Tu as un rythme de travail effréné. Peut-on dire que tu es une femme à 100 000 volts?
Une femme en tension mais en surtension, j’essaie d’éviter. On a qu’une vie pour tout réaliser et il faut réaliser de mener de front tout ça. Cela nécessite un nombre d’heures conséquent, d’investissement journalier, bien au-delà des 35 heures. Ce n’est pas grave car cela me permet de réaliser mon métier, d’être mère, d’avoir une vie sociale, des amis, des expériences. Pour moi, tout ce que l’on fait doit être constructif. Même si c’est juste rire et se détendre. Il y a des choses que j’ai décidé d’exclure de ma vie pour me laisser le temps de vivre. J’ai la hantise d’arriver à un âge certain et de me demander ce que j’ai fait pendant toutes ces années. En fait, il n’y a pas de bons moments pour faire les choses. J’ai une liste de rêves de gosse et j’ai décidé d’être cette gosse-là à vie!
As-tu eu l’occasion de participer à une fashion week?
J’ai fait la Caribbean FashionWeek en Jamaïque. C’était très enrichissant parce que l’on a simultanément le travail et l’interprétation de différents caractères de créateurs caribéens. Cela permet de voir comment chacun interprète cet univers. Ce sont des échanges et le challenge est important ainsi que de se confronter aux autres. C’est essentiel! J’ai mis les Fashion Weeks en stand- by depuis deux ans pour des raisons personnelles et familiales. J’ai eu un petit garçon en plus. Même si je mène tout de front, il y a des moments où j’accepte de ralentir sur certaines choses pour les personnes auxquelles je tiens le plus. Maintenant, il grandit et cela va repartir.
Comment fait-on pour percer dans la profession de styliste?
Je ne sais pas comment on fait. Je sais comment je fais, moi! Je pense qu’il y a une seule chose qui fonctionne quand on est une femme et noire, je précise, cela fait tout de même une différence, qu’on le veuille ou pas, on ne réussit à percer qu’avec énormément de travail, beaucoup plus de travail que l’on s’imagine, en étant vrai et ne croyant que ce que l’on fait. Une seule chose fonctionne, c’est l’authenticité de la vision que l’on a des choses.
Tu exportes au-delà des frontières caribéennes. Quels sont les pays, qui ont le privilège de commercialiser ta marque?
En 2018, on va nous retrouver en Martinique, sur Trinidad, Paris, Miami, Londres et hypothétiquement à Atlanta. Pour que cela soit fait correctement, j’ai préféré ralentir à un moment les exportations pour pouvoir vraiment mettre en place un circuit. Je me suis retrouvée à répondre à une demande à laquelle je ne m’étais pas préparée. On a décidé de restructurer les choses pour que cela soit fait le mieux possible. C’est pour cela aussi que l’on va reprendre les déplacements sur les fashion weeks.
Penses-tu avoir réalisé ton rêve?
J’ai réalisé entre guillemets tous mes rêves! Mes rêves les plus importants étaient d’exercer un métier que j’ai choisi, avoir des enfants, être épanouie. Depuis quelques années, je travaille à avoir tout cela avec les bonus, en mieux: avoir de meilleures créations, un meilleur circuit de distribution. J’ai des rêves très basiques car pour moi, ce qui est essentiel est de se sentir bien. Ce qui est mon cas. Le reste, c’est du travail, c’est du bonus. J’ai encore suffisamment de rêves pour m’occuper et j’ai l’intention de tous les réaliser, les uns après les autres!
Propos recueillis par Ghislaine FEREC
Crédit Photo: Ghislaine FEREC